Bennoo à la croisée des chemins

Avec la perspective électorale en vue, c’est bien le temps Bennoo qui arrive
pour la majorité.
Coalition électorale et gouvernementale exceptionnelle dans son genre en
Afrique et dans les démocraties, Bennoo Bokk Yaakar est à nos yeux un
bon cas d'école en matière de gouvernance politique dont on n'a pas fini
d'exploiter toutes les potentialités.
Il convient pour s'en rendre compte de mettre en évidence trois
contributions politiques qui auront été décisives à mon avis dans la
configuration de l'espace politique Sénégalais de la période post
indépendance.
Noter en premier lieu la lucidité politique du Président Senghor qui a su
décoder les mutations de son époque pour rompre à temps avec le
régime de parti unique et promouvoir les réformes politiques de la
démocratie multi-partisane en autorisant une opposition légale dont le Pds
du Président Wade a été le complice et principal animateur.
Accepter en second lieu le génie du Président Abdoulaye Wade qui a su
ruser avec le système, se proclamant "parti de contribution" au départ, le
temps de négocier un statut de challenger institutionnel de la majorité, ce
qui lui ouvrira 30 ans plus tard la voie d'une alternance politique pacifique
qui nous vaut la fierté d'une démocratie solide et respectée de par le
monde.
Le mérite du Président Wade aura été d'autant plus grand   qu'à cette
époque l'idéologie de la gauche radicale révolutionnaire était largement
dominante dans les rangs des élites politiques et intellectuelles en Afrique
et dans les pays du tiers-monde.
Le débat s'est posé avec passion dans les années 1990 sur, « qui du
Wadisme ou du kabilisme ! » était la voie pour l'émancipation politique du
continent.  Ceci en référence à l'option de Kabila père, de faire le choix de
la lutte armée pour la conquête du pouvoir dans son pays.
Notre grande fierté aura été d'y avoir cru et d'avoir contribué aux côtés des
cadres et militants du PDS à l'avènement de l'option "wadiste" de la
conquête du pouvoir préservant ainsi notre jeunesse et notre peuple de la
violence politique que certains travaillent aujourd’hui à installer dans notre
pays.
La troisième contribution qui a été tout aussi décisive à mon avis est celle
du Professeur Cheikh Anta Diop et de ses compagnons fondateurs du
Rassemblement démocratique national (Rnd), des partisans tout aussi
résolus du respect de la légalité constitutionnelle et de la conquête du

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pouvoir par des moyens pacifiques. Intéressante a été la théorie proposée
de " la pratique de la double appartenance " pour mettre à l'aise les partis
de gauche, très actifs dans l'intelligentsia et la jeunesse, sans qu'ils aient
eu le poids des partis de masse capables de se poser électoralement en
alternative face au puissant régime socialiste que le Président Senghor a
méthodiquement construit sur plus d'un quart de siècle.
L'idée était d'inviter les partis de la gauche marxiste, les amis du Président
Mamadou Dia et les anciens du Pra / Sénégal à se joindre aux partisans de
Cheikh Anta et aux anciens membres du Pai / Sénégal avec Maître
Babacar Niang pour construire ensemble un grand parti unifié, le
Rassemblement national démocratique ( Rnd ).
La latitude était laissée à ceux qui le désirent de conserver leur
affiliation idéologique et leur autonomie organisationnelle tout en
partageant avec les autres entités fédérées une plate-forme minimale et
une direction collégiale unifiée.
L'expérience n'a pas prospéré comme souhaité mais le Rnd aura joué un
grand rôle dans la période de transition du multipartisme limité à quatre
courants de pensée idéologiques du Président Senghor au multipartisme
intégral institué par le Président Abdou Diouf à son arrivée au pouvoir en
1980.
Sans peut être l'avoir théorisé comme on aimait à le faire à l'époque,
cette expérience ratée du Rnd du Pr Cheikh Anta Diop  en 1975 a été
reproduite et réussie  avec  brio  par le  Président Macky Sall et ses amis
dans la conception de leur parti, l’Alliance pour la République ( Apr ) en
2008 qui est en réalité une convergence d'acteurs politiques d'horizons
divers, des libéraux aux divers courants du marxisme.  Le même leadership
fédérateur du Président Macky Sall donnera naissance à la coalition
Bennoo Bokk Yaakaar, socle de la majorité politique au Sénégal depuis
2012.
Bennoo est la grande coalition jamais aussi réussie dans l’histoire politique
de notre pays.  De coalition électorale entre des sous- coalitions de
candidats, des partis et mouvements, Bennoo a évolué en entente
gouvernementale avec un juste partage des rôles et des responsabilités au
niveau des plus hautes instances de l'état.
Cette alliance conduite avec responsabilité et un sens patriotique élevé par
des leaders exceptionnels nous aura donné les moyens d'une stabilité
durable sans laquelle aucune politique de transformation de l'économie et
de la société ne peut prospérer.
Mais comme nous avons appris en politique la règle selon laquelle
" l'opposition unit, le pouvoir divise ", cette leçon de vie mérite d'être
toujours rappelée et gardée à l'esprit par les hommes et femmes politiques
portant la haute responsabilité de la gouvernance d'une nation.
Ne nous voilons pas cependant la face, beaucoup de nos amis ont de la
peine à se rendre compte que les contre-performances des dernières

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élections ont eu lieu sans exception sur des territoires où les leaders n'ont
pu réaliser leur unité.
Un Bennoo uni restera sans aucun doute, et pour longtemps, le bloc
hégémonique sur lequel notre majorité trouvera appui pour la poursuite des
grandes réformes engagées dans la perspective d'un Sénégal émergent
dans la paix et la stabilité.
Je suis de ceux qui pensent que la juste lecture de cette donnée
fondamentale du contexte politique du Sénégal fait que l'opposition radicale
est bien consciente qu'elle n'a aucune chance de triomphe devant un
Bennoo rassemblé et devant toutes les forces républicaines mobilisées du
côté de l'opposition.
C'est la raison pour laquelle elle se lance dans l'option suicidaire de la rue
en lieu et place des urnes.
Mauvaise option à mon avis, personne ne trouvant pour autant plaisir à les
voir persister dans cette voie d'impasse.
Le " diambarisme " n'est jamais payant en politique. Dans la vie tout court
d'ailleurs. La politique relève du champ de la complexité.  On ne peut
appliquer des solutions simplistes à des problèmes complexes.
Taquinant le candidat Djibo Ka la veille de l'élection Présidentielle de 1993,
le Président Abdoulaye Wade lui disait : " Djibo, tu ne peux pas doubler
Wade, dribbler Diouf et marquer ! "
Nous restons pour notre part, convaincus que le courant anarcho-populiste
qui s'agite au Sénégal n'a aucune chance de percer devant la ligne de
défense des forces de tradition républicaine de notre pays. Du camp de la
majorité comme de l'opposition.
La démocratie prendra largement le dessus sur désordre si toutes les
forces républicaines du pays s'accordent pour dire : "Non à l'infantilisme
politique, la pagaille et la rue ! " et qu'elles s'engagent avec les pouvoirs
publics à la mise en route coordonnée des étapes du processus électoral
qui nous conduit à la Présidentielle de 2024.
Il est de notre responsabilité collective de contribuer à la gestion sereine de
cette échéance capitale dans notre parcours démocratique et notre
trajectoire de développement avec nos perspectives de statut de nouveau
pays pétrolier et gazier.
Ce sont là les bonnes missions qui relèvent de la responsabilité de Bennoo
et de toutes les forces attachées à la république et à la démocratie au
Sénégal.
Tout aussi important est le débat sur la candidature qui semble soulever
bien des passions. C'est peut-être le moment de rappeler qu'en démocratie
les partis et coalitions de partis sont maîtres exclusifs de leurs choix dans
ce domaine, autant dans leurs procédures de délibérations, leurs critères
de désignation de leur candidat que leur agenda de publication avec la
seule et unique contrainte que leur impose le calendrier fixé par le code
électoral.

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Une coalition qui gouverne est soumise à des contraintes
politiques spécifiques qui ne sont pas celles d'une opposition qui s'oppose,
d'une société civile qui revendique la gouvernance d'un état avec des
règles d'ONG, ou d'une presse libre dont une bonne partie se croit investie
de droits sans devoirs, de liberté sans responsabilités.
Optimiste de nature je reste convaincu que Bennoo uni et mobilisé a encore
du beau chemin à faire dans la conduite du Sénégal à l'émergence et au
développement.
L'élection de 2024 devra cependant être un grand moment pour mettre à
jour et actualiser notre offre pragmatique afin qu'elle soit en parfaite
adéquation avec les exigences d'un monde en mutations accélérées avec
de fortes aspirations citoyennes à la justice, la solidarité et une
gouvernance de type nouveau, délibérative et participative.
Garder à l'esprit de nos jours que les demandes en matière de
gouvernance sont aussi importantes pour les citoyens que les demandes
sociales, aussi essentielles qu'elles soient.
Autant de chantiers qui, gérés dans la sérénité, laissent intactes toutes les
chances de triomphe de notre candidat le moment venu…

Abdou Fall
Ancien ministre d'état

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