ITW – Pape Mahawa Diouf, porte-parole de Benno : «L’appel de Keur Massar est un précédent dangereux»

Directeur général de l’Agence sénégalaise pour la promotion du tourisme (Aspt) et coordonnateur de la cellule de communication de Benno bokk yaakaar (Bby), Papa Mahawa Diouf est d’avis que le leader du parti Pastef n’a pas à faire dans l’agitation et doit répondre à la Justice pour les affaires le concernant. Critiquant l’«appel au martyr» de Sonko, M. Diouf exprime aussi, dans cet entretien, toute sa ferme opposition à toute volonté ou initiative allant dans le sens de brûler le pays, du fait d’une nouvelle candidature éventuelle du Président Macky Sall, «le meilleur candidat» pour diriger le Sénégal, tire sur Alioune Tine et sa cohorte d’alliés dans la plateforme «Jamm a gën 3ème mandat» et invite les acteurs politiques à se battre autour de programmes et de débats d’idées pour le pays.

Le procès Mame Mbaye Niang/Ousmane Sonko vient d’être renvoyé jusqu’au 2 mars. Quelle lecture faites-vous de cette affaire et du début de tension qu’elle a engendré ?
Dura lex sed lex, c’est à dire la loi est dure, mais c’est la loi. Nous devons tous nous soumettre à la loi, même si elle ne nous convient pas.
Oui, l’institution de la Justice a la responsabilité de dire le Droit au nom du Peuple sénégalais, et c’est ce qui est en train d’être fait. Lorsqu’une personne privée, une personnalité publique, en l’occurrence le ministre du Tourisme et des loisirs, se sent atteinte dans son honneur et, donc, diffamée, elle a le droit de saisir la Justice pour que le Droit soit dit. Puisque M. Sonko avait dit détenir les preuves que M. le ministre Mame Mbaye Niang aurait fait des malversations financières, vraiment, la chose est très simple. Il faut aller fournir les preuves qu’il a publiquement affirmé détenir par devers lui. Donc, la seule chose à faire ici, c’est d’aller donner des preuves, mais ne pas forcément faire dans l’agitation.

Les partisans de Ousmane Sonko ne veulent pas le voir comparaître lors du procès dans l’affaire qui l’oppose à l’ex-masseuse Adji Sarr. Quelle attitude devrait-on attendre de Ousmane Sonko ?
Une attitude de tout homme responsable. Ça veut dire répondre à la Justice, si elle vous convoque ou vous demande des clarifications. S’il y a une personne privée qui a porté plainte contre vous sur des affaires aussi graves que celles qui sont évoquées, son devoir, c’est d’aller se faire blanchir devant la Justice et non pas de faire l’appel au martyr. Son appel au martyr à la jeunesse sénégalaise pour régler un problème privé est indigne d’un acteur politique de premier plan.

Comment appréciez-vous cet appel-là dès l’instant qu’il dit que la Constitution lui reconnait le droit à la résistance ?
Oui, vous savez la résistance, on peut résister en écrivant, en faisant une grève, en faisant des discours. On peut résister de plusieurs manières. Mais résister en demandant à la jeunesse d’aller mourir -parce que les 14 morts, il y a 2 ans, ne sont pas plus dignes que nous- : «Préparez-vous au sacrifice ultime», ça c’est de la lâcheté, ce n’est pas de la résistance.

On reproche au gouvernement aussi de ne pas vouloir faire la lumière sur les 14 morts que vous venez d’évoquer.
A l’époque, le ministre des Forces armées avait parlé de la mise en place d’une commission d’enquête sur la question. Jusqu’ici, rien n’a été fait dans ce sens, d’après l’opposition.
Oui, je pense qu’il faut, certes, qu’on fasse la lumière sur des choses comme ça. C’est évident, mais ça n’enlève en rien la responsabilité de Ousmane Sonko. C’est lui-même qui a appelé à la mort. C’est lui-même qui a dit, pour le dire en wolof : «Beussou dé, kou dundou do goor», «c’est le moment du Mortal Combat», «venez la jeunesse, il faut se battre pour que je ne puisse pas aller répondre à la Justice». Sa responsabilité est indéniable, c’est une responsabilité morale, une responsabilité de principe, au-delà de l’établissement des faits sur chaque mort par une enquête factuelle. Ce n’est pas en demandant au gouvernement de faire une enquête qu’il va se dédouaner. Il est coupable. Et, il est non seulement coupable, mais il est aussi récidiviste et il assume sa culpabilité en appelant encore au martyr.
Il faut se souvenir désormais de l’appel de Keur Massar. L’appel de Keur Massar est un précèdent extrêmement dangereux dans histoire politique sénégalaise : «Le président de la République va nous tuer ou nous allons le tuer.» C’est encore une fois un appel à la mort. Ça, c’est un appel au martyr. Il faut qu’on sache vraiment quel est le modèle de démocratie qu’on veut avoir, quel pays nous voulons, quel mode de cohabitation et de débat politique et public nous souhaitons avoir dans le pays. Ousmane Sonko en donne le pire exemple, en tout cas le pire modèle possible.

D’aucuns ont fait état de la responsabilité de l’Etat, évoquant un rapport du Département d’Etat américain qui aurait épinglé l’Etat dans la mort des 14 personnes précitées…
Il faut d’abord que Ousmane Sonko sorte le rapport simple qu’il a dit détenir par dévers lui et qui est un rapport de l’Ige, qui épingle M. Mame Mbaye Niang. A ce moment-là, il sera crédible pour pouvoir parler d’un rapport du Département d’Etat américain, qui est bien loin. Donc, je pense qu’il faut qu’on redescende sur terre et qu’on arrête ce discours vraiment fondé sur de la diffamation, de l’affabulation, des mensonges froids, où les gens peuvent dire ce qu’ils veulent sans donner aucune preuve. Si ce rapport du Département d’Etat existe, les documents américains sont des documents fondés sur une politique de transparence telle qu’il suffit d’aller sur le site web, de l’imprimer et de le partager aux journalistes du pays. Donc, c’est un simple mensonge.

Ne croyez-vous pas que vous assurez la promotion de Sonko en mettant régulièrement le curseur sur lui ?
Non. Non, il faut arrêter de dire cela parce qu’on a dépassé cela. Ousmane Sonko est sorti troisième de la dernière Présidentielle. C’est un leader politique qui a droit à la parole, il est le maire de Ziguinchor. C’est une personnalité politique comme tous les autres dans le pays, mais il ne s’agit pas de lui, il s’agit d’entendre et d’écouter ce qu’il dit. D’entendre ce qu’il dit, d’écouter ce qu’il dit et de voir les actes qu’il pose, et c’est  de cela qui s’agit. Maintenant, si les gens choisissent de ne pas entendre la sonnette d’alarme, à chacun ses responsabilités. Ce pays n’appartient à personne, ce pays nous appartient à tous.
Est-ce que c’est normal qu’un homme politique appelle au meurtre du Président de tous les Sénégalais : «Il va me tuer ou nous allons le tuer.» Vous pensez que c’est un discours politique responsable à servir à la jeunesse sénégalaise ?
Vous pensez que dire que les 14 personnes qui sont décédées il y a 2 ans, «nous ne valons pas mieux qu’eux, préparez-vous au sacrifice», c’est un discours politique à tenir dans un pays démocratique qui se respecte ? C’est de cela qu’il s’agit, peu importe le nom qu’il y a derrière celui qui porte ces mots-là, cela reste indigne de la démocratie sénégalaise.

Vos détracteurs vous accusent de vouloir créer les conditions d’empêcher le leader du parti Pastef de participer à la prochaine Présidentielle…
Il n’y a aucune obsession contre personne. Ce sont les Sénégalais qui décident de qui va les diriger, personne ne peut les empêcher de choisir leur dirigeant. Donc, il ne s’agit pas de cela. Il s’agit du pays, quel est le projet pour le pays ? Pourquoi ne parlons-nous pas du développement du Sénégal ? Pourquoi ne parlons-nous pas de la pérennisation des perspectives de développement du Sénégal ? Pourquoi ne parlons-nous pas des perspectives heureuses de l’exploitation du pétrole et du gaz, avec un modèle de gestion qui est perçu partout à travers le monde et dans les instances spécialisées comme un modèle à suivre, à dupliquer et que les gens regardent avec intérêt à travers l’initiative de transparence sur les infrastructures extractives, mais également d’autres formes d’initiatives en matière de gestion des hydrocarbures, des infrastructures ? Qu’est-ce qu’on fait pour consolider ces investissements-là ? Qu’est-ce qu’on fait pour consolider l’image du Sénégal comme terre d’investissement ? Voilà les grandes questions auxquelles l’opposition n’a aucune forme de réponse, si ce n’est tout simplement d’abord, un troisième mandat et, ensuite, appeler à la violence et brûler le pays.
Cela n’a pas de sens, pour des gens qui disent aimer le Sénégal et qui ont véritablement un projet pour le pays.

Les députés de Yewwi askan wi veulent faire juger une dizaine de ministres à la suite de la publication du rapport de la Cour des comptes. Pensez-vous que cette initiative a des chances d’aboutir ?
Les députés de Yewwi askan wi ont perdu toute crédibilité à travers cette législature. D’abord, lors de l’installation du Bureau de l’Assemblée nationale, ils ont saccagé le mobilier du bureau de façon choquante, choquant le Peuple sénégalais, instauré le désordre, agressé une de leurs collègues. Ils ont annoncé une cohabitation qui n’existait que dans leur tête. Et enfin, ils ont organisé une motion de censure triste pour la République sénégalaise, puisque personne ne savait le contenu, personne ne savait le projet exact. Et évidemment, c’était un échec lamentable. De la même manière, nous savons que cette initiative est immature, elle manque de sérieux.

Les membres de l’Apr continuent de pousser le Président Macky Sall à se présenter à la prochaine Présidentielle. Ne pensez-vous pas que cette candidature peut être lourde de dangers pour le pays, du fait qu’elle est rejetée par l’opposition et la Société civile ?
Ce n’est pas la Société civile, ce sont monsieur Alioune Tine et un groupe de rappeurs en mal de succès. Cela ne suffit pas pour désigner toute la Société civile. Monsieur Alioune Tine, «monsieur 3ème mandat», lui, oui, ne résume pas la Société civile. Mais, il a le droit de donner sa position. C’est aussi reconnaître le droit à autrui d’avoir une position différente. C’est cela qu’on appelle liberté de conscience ou d’opinion, le droit de dire votre opinion. Mais, vous n’avez pas le droit d’empêcher quelqu’un d’être candidat. Si vous avez le droit de dire que mon candidat est X, quelqu’un a le droit de dire que son candidat s’appelle Y. Normalement, dans un pays où on ne tente pas d’organiser une dictature de l’opinion, la spirale du silence…, c’est du terrorisme. Car ils disent que si nous choisissons le Président Macky Sall comme candidat, ils vont brûler le pays. Où avez-vous une telle règle du jeu démocratique ? Ça n’existe dans aucun pays au monde. Ou nos institutions sont en mesure de fonctionner ou elles ne le sont pas. Le jeu est clair : nous avons un système électoral incontestable et des institutions qui fonctionnent. L’Apr a parfaitement le droit de choisir son candidat. Nous pensons que le meilleur candidat pour le pays reste incontestablement le Président Macky Sall. Dans les instances de la coalition, la question ne s’est pas encore posée. Le moment venu, ça se posera. L’Apr a parfaitement le droit de dire que le champion qu’il nous faut dont le bilan est incontesté, c’est le Président Macky Sall, qui peut assurer la continuité au bénéfice du Peuple sénégalais. C’est un droit. Je ne vois pas pourquoi, au nom de la liberté de conscience, on devrait empêcher quelqu’un d’exprimer son opinion sous la menace de brûler son pays. C’est un problème. (Rires). C’est quand même cocasse de dire que si c’est X votre candidat, je brûle le pays. C’est devenu la règle du jeu, et venant de la Société civile, «Jamm a gën 3ème mandat» (ça veut dire «si vous êtes candidat, j’empêche le Jamm»), c’est le summum du scandale. Il faut arriver à des consensus beaucoup plus responsables. Les gens devraient donner à tout un chacun le droit d’exprimer son opinion, sans menacer quiconque et sans brûler le pays.

Mimi Touré a été exclue de l’Assemblée nationale, mais elle continue son combat contre le 3ème mandat en signant une pétition lancée par des membres de la Société civile. Jusqu’où irez-vous avec elle, sachant que sa gestion au Cese aurait été épinglée par un rapport de l’Ige ?
Je ne suis pas au courant d’un tel rapport. Il faut avoir les preuves de ce que l’on dit, il vaut mieux être sûr de ce l’on avance. La démission de Madame Aminata Touré était de fait. Elle était contre toutes les initiatives de la coalition. Il ne fallait pas attendre la décision de son groupe. Elle aurait pu, elle-même, prendre la décision de façon élégante pour aller faire autre chose. C’est dommage d’en arriver là.

Il y a un début de polémique qui s’est installé sur la véritable propriété du Ter. Certains avaient estimé que l’Etat n’était pas le véritable propriétaire du Ter, à la suite de l’article du journal français Le Figaro. Mais, l’Etat a démenti l’information. Qu’est-ce qui ne tournerait pas rond dans cette question, au point de susciter une controverse ?
Je crois qu’il y a une information qui a été mal diffusée, mal présentée, mal interprétée, mais évidemment, le Ter (rires) appartient au Peuple sénégalais. Maintenant qu’il y ait des options et modèles de gestion qui peuvent exister, notamment dans les partenariats public-privé, qui peuvent plus ou moins être bénéfiques pour l’Etat, c’est à l’avantage du Sénégal.
C’est évident ! Nous avons un transfert de technologie, nous avons surtout un bénéfice incroyable au plan social et au plan économique qui permet aux Sénégalais d’être beaucoup  plus mobiles rapidement. Nous avons un transfert de compétences, puisque ce sont des Sénégalais qui travaillent pour l’exploitation de cette infrastructure. Et surtout, je pense que le Ter permet, en tout cas, de faire un saut en matière de transport de masse en milieu urbain. Donc, c’est une bonne chose. Maintenant, le patrimoine du Ter, évidemment, appartient au Peuple sénégalais. A propos de ça, on ne peut pas dire le contraire.

Vous avez perdu la commune de Yoff lors des dernières élections locales. Le nouveau maire est membre de la coalition de l’opposition Yewwi askan wi. Comment appréciez-vous sa gestion depuis son installation ?
Il est peut-être tôt de lui faire faire un bilan. Il faut le laisser travailler en toute démocratie. Et peut-être à mi-parcours, le moment du bilan viendra.
Mais, je reste convaincu que nous avons encore la majorité dans la commune de Yoff.  Je rappelle qu’entre les Locales et les Législatives, nous sommes passés de 8 à 10 mille voix quasiment, en remontant le gap qui s’était installé.  La famille présidentielle, la famille de Benno bokk yaakaar (Bby) est encore majoritaire au niveau de Yoff, c’est ma profonde conviction. J’appelle tous les acteurs de la majorité et de la Coalition Benno bokk yaakaar de Yoff à se rassembler, à se regrouper, à être dans des dynamiques unitaires, parce que c’est le seul gage de victoire pour les échéances à venir, et en particulier pour l’échéance de 2024. Nous y travaillons et sommes convaincus que nous allons y arriver.

A travers vos actions politiques au niveau de la commune de Yoff où vous militez, est-ce qu’on peut dire que Papa Mahawa Diouf est proche des populations de Yoff ?
Oui, on peut le dire. Pas en tout cas aujourd’hui au niveau où je le souhaiterais. Mais, on avance chaque jour davantage vers plus de rencontres, vers plus d’expérience. Vous savez, nous, on est entré en politique évidemment par conviction, par passion de la relation, par passion du contact.
On aime bien nous occuper de ce qui nous entoure, en être conscient, être en contact avec les populations, sentir l’aspiration du Peuple, essayer de jouer notre modeste rôle et être au quotidien au contact de notre environnement. C’est ce qui nous lie finalement à notre existence sociale.
Et il en a été toujours ainsi. Donc, là évidemment à Yoff, nous sommes en contact avec les leaders, les associations sportives, les associations culturelles, tous les types d’acteurs qui interviennent dans la vie au quotidien, évidemment avec les communautés traditionnelles, mais également les chefs religieux, notamment la communauté layène.
Donc,  Yoff est un territoire extraordinaire, qui mélange plusieurs choses. D’abord, c’est le plus vieux village quasiment du Sénégal.
C’est un village traditionnel,  religieux, qui a également l’une des confréries religieuses les plus importantes du Sénégal au cœur de la capitale, des quartiers modernes portés sur l’avenir comme Nord-Foire où j’habite, Diamalaye, mais également Ouest-Foire, Biagui, avec une ouverture sur la côte, et le plus beau viaduc de l’Afrique occidentale avec l’extension de la Vdn. C’est une commune incroyable, qui offre tellement d’opportunités. Et nous avons vraiment à cœur de servir cette ville-là, cette communauté de destins au cœur de la capitale du Sénégal. C’est à ça que nous nous consacrons chaque matin. On n’a pas toutes les solutions, mais on est présent, on rencontre les jeunes, les moins jeunes, les chefs traditionnels, les chefs de village, les chefs de quartier, les imams, parfois on a des solutions, parfois on n’en a pas. Mais, en tout état de cause, on les cherche ensemble.
Et ce vivre ensemble-là, c’est le modèle en tout cas de démocratie auquel nous croyons, nous, auquel notre leader d’ailleurs, le Président Macky Sall, croit et qu’il implante comme méthode, en homme de terrain, à travers les tournées nationales, les conseils des ministres décentralisés. Cette culture du contact avec le Peuple en permanence permet de ne pas être hors sol, d’être dans la réalité du Peuple. Et c’est à cela que nous essayons de nous contraindre, de nous exercer au quotidien. Et toute notre ambition politique réside en cette forme d’activité au quotidien. Nous consacrons notre carrière politique aujourd’hui à cette commune-là. C’est ce que nous souhaitons.
Propos recueillis par Mamadou T. DIATTA – mdiatta@lequotidien.sn

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