Projection – «Ame Noire» au Musée des civilisations noires de Dakar : Un voyage exaltant dans l’histoire des peuples noirs

L’art est souvent un vecteur de transmission et d’affirmation identitaire. Naviguant entre fiction et documentaire, «Ame Noire», un court-métrage d’animation de Martine Chartrand, cinéaste d’animation québécoise, en est le parfait exemple. Sorti en 2001, ce documentaire projeté jeudi dernier, au Musée des civilisations noires de Dakar, dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs organisé par l’ambassade du Canada à Dakar, met en scène une vieille dame qui transmet à son petit-fils les traditions des peuples afro-descendants, en faisant notamment allusion à la vie en Afrique, à la musique jazz et à la douleur de l’esclavage.

Par Ousmane SOW – Bien que l’histoire des Noirs ne puisse être définie comme un ensemble uniforme, les films peuvent apporter de nouvelles perspectives et histoires qui aident à mieux la comprendre. Et Ame Noire, un court métrage québécois sorti en 2001 et réalisé par Martine Chartrand, une cinéaste d’animation qui utilise la peinture sur verre pour convier le spectateur à une plongée au cœur de la culture noire, à un rapide et exaltant voyage à travers les lieux qui ont marqué l’histoire de ces peuples. Ame Noire, un document visuel et sonore plein d’évocations. En plus de faire réfléchir le spectateur, il l’instruit. Un court métrage qui en met plein la vue avec son apparence unique.

Le récit que transmet une vieille dame à son petit-fils fait défiler une succession de tableaux peints directement sous la caméra. Il faut donc voir ce film comme une œuvre d’art absolument méticuleuse. Très court, très coloré, il ne dure que 9 minutes. Ce qui a surpris Amadou Lamine Sall, Secrétaire général de la Fondation mondiale pour le Mémorial de Gorée. «Je n’ai pas vu un film. J’ai vu une manière esthétique assez originale. Un film très court, très coloré et qui décrit ce qui s’est passé, c’est-à-dire la traite négrière. En neuf minutes, elle a pu concentrer tout ça», s’étonne le poète.

Dans Ame Noire, l’illusion est présente. Elle est grandiose et d’une énergie créative incroyable. Pas de barrière de la langue, car l’image et le son s’unissent pour établir le dialogue. Le spectateur est apaisé par les sons de la savane, caressé par la douceur du coton, lacéré par les cordages des galères et termine par partager le poids de la canne à sucre et celui des chaînes de l’esclavagisme. L’expérience est immersive, presque sensorielle.

Un devoir de mémoire
Bien que le film soit destiné à la jeunesse, il fait le bonheur des artistes et des amateurs d’histoires, entre douleurs du passé, exclusion, abus de pouvoir, espoir, sacrifices et liberté. A voir par devoir de mémoire. A découvrir pour mieux comprendre l’Autre. Un peu comme on opposerait le Blanc au Noir, l’artiste d’origine haïtienne présente les défis et succès vécus par ces peuples en utilisant la dualité et la complémentarité des tons bleutés et des couleurs orangées. De tableau en tableau, les images sont saturées de couleurs, les peintures s’enchaînent, rendant un fabuleux hommage au genre du film d’animation et au courant impressionniste.

Le film transporte aux rythmes ancestraux, en passant par les chants gospels jusqu’aux tonalités jazzy. Quant à la bande-son, elle transporte aussi à un rythme rapide et exaltant à travers des lieux qui ont marqué l’histoire des peuples noirs. Dans ce tourbillon de lumière et de couleurs, la grand-mère lègue à son petit-fils, le grand rêve de Martin Luther King. «I have a dream…» Un espoir que tous les êtres humains vivent la liberté, l’égalité dans la fraternité. «C’est un devoir de mémoire que nous avons vu à travers ce film. Et quand on parle de devoir de mémoire, on parle toujours de droits de l’Homme», témoigne le poète Amadou Lamine Sall. Dans ce film, la réalisatrice montre qu’elle n’a jamais oublié d’où elle vient. L’on aperçoit que l’enfant marche sur les traces de ses ancêtres pharaons, il entend, sous le baobab, le griot chanter les exploits des rois. Puis, à l’appel des percussions annonçant le commerce triangulaire de l’esclavage, il vogue d’exil en exil, des Antilles aux neiges de l’Amérique. Avec ses dessins et images animées, Martine Chartrand offre aux spectateurs des récits touchants et fait ressurgir du passé, des destins singuliers auxquels elle invite le spectateur à porter toute son attention. Une façon certainement pour lui rappeler la mémoire de l’esclavage, cette période marquée par des générations de femmes et d’hommes résilients et courageux. Et à en croire la directrice de Cabinet du ministre de la Culture et du patrimoine historique, qui rappelle cette pensée de Jean Augustine, la première femme noire ministre canadienne, qui disait : «L’histoire des Noirs n’est pas réservée qu’aux Noirs. L’histoire des Noirs est l’histoire du Canada.» Aussi, ajoute Bernadette Amy Dione Diouf, dans Ame Noire, la réalisatrice québécoise, Madame Chartrand, illustre l’histoire des peuples noirs, de la grandeur des rois d’Afrique à la lutte pour les droits.

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